Le groupe FNAC-Darty vient d’annoncer des résultats du 3e trimestre en retrait de 2,3%.

Une des raisons invoquées pour ce manque de performance est :

« … des marchés peu porteurs, et pourtant, cœur de métier des deux enseignes. Informatique, photo, audio, vidéo, autant de périmètres en difficulté. Seule rescapée, la téléphonie, portée par des lancements de produits en septembre. ».

Les grands groupes de distribution spécialisées (FNAC-Darty mais aussi Boulanger, Dixons, Saturn-Mediamarkt etc.) ont en effet pris l’habitude de surfer sur les impressionnantes vagues de nouveaux produits de ces dernières années. C’est ainsi que les baladeurs numériques, puis les smartphones et enfin les tablettes ont illuminé les rayons de ces enseignes depuis le début du millénaire.

Alors que la Noël 2018 arrive à grand pas, il semblerait donc qu’aucune nouveauté ne vienne alimenter l’offre. Serions-nous à la fin d’un cycle ? Ou bien faut-il juste en revenir aux fondamentaux du commerce, et donc susciter la demande ? Pour cela il faut en revenir aux fondamentaux du marketing: analyse de la situation actuelle et du marketing-mix.

 

Quelle est la situation du marché des Objets Connectés ?

 

Cela fait en fait trois années que le « serpent de mer » des objets connectés fait croire à un nouveau tsunami de la consommation technologique. Une de ces grandes enseignes avait ainsi fait une large place pour la Noël 2016 à cette catégorie, au travers d’une théâtralisation techniquement très réussie. En janvier 2017, ses responsables m’obligeaient à réviser mes propres plans de maintien et de déploiement dans ces rayons suite à la piètre performance au regard des attentes et investissements consentis.

Il en a été de même en 2017 et au mois d’avril dernier, l’institut GFK publiait une étude sur le marché français des objets connectés en 2017. La grande presse quotidienne s’emparait alors de ces résultats et le Figaro titrait le 4 avril : « Le marché des objets connectés décolle enfin en France. »

Au-delà du passage du cap du milliards d’euros de chiffre d’affaires, le paysage restait en demi-teinte. Si la domotique avait soutenu la croissance (+42% en volume), les « wearables » (montres, bracelets etc.) n’avaient cru que de 16% et les drones de 22%. De plus les différentes composantes de la maison connectées représentaient plus de la moitié du volume réalisé. Or, on voit mal une famille mettre sous le sapin du thermostat ou de la caméra de surveillance ! Qui plus est, ces catégories, assez techniques sont historiquement assez étrangères aux enseignes citées ci-dessus et trouvent plus logiquement leurs places dans les grands du bricolage-équipement de la maison.

Une toute nouvelle étude, cette fois un sondage réalisé par L’IFOP pour Boulanger nous donne les dernières tendances du marché.

Au positif, on y apprend que « pour 74% des français… les objets connectés constituent une vraie révolution » et que « un tiers des français se déclarent prêts àdépenser jusqu’à 500 € pour ces produits »

Au négatif, « 54% considèrent avoir passétrop de temps à paramétrer leur appareil », « 39% renoncent à leur achat de peur de ne pas savoir l’installer » et… « 32% qualifient l’ installation des objets connectés de complexe, voire énervante ».

Boulanger, commanditaire de l’étude a d’ailleurs fait des efforts considérables pour la mise en scène des objets connectés dans ses nouveaux magasins urbains (Paris Opéra, Beaugrenelle). Mieux, ce grand distributeur du Nord a investi dans des espaces dédiés sur son site.

Chaque catégorie dispose de plus de guides d’achat instructifs et abordables pour le grand public : drone, éco-mobilité, maison connectée, santé connectée et assistant vocal

 

L’utilisation du Marketing Mix pour comprendre le marché des Objets Connectés.

 

Alors où est le problème ? Structurons notre analyse au travers de la bonne vieille méthode des 4 Cs du marketing mix.

Le coût ?

A priori ce n’en est pas un. Le consommateur est prêt à dépenser jusqu’à 500 euros pour un objet connecté. Toutefois quel est le coût réel auquel il va devoir faire face ? L’objet connecté en tant que tel n’a guère de valeur puisqu’il s’insère dans « l’internet de objets » (IdO) qui suppose la possession d’un smartphone ou d’une tablette et d’un réseau ad-hoc. Par ailleurs, le temps mis à le paramétrer fait partie du coût non-monétaire mais bien réel évoqué par les clients déçus.

La commodité ?

Là encore, l’accès à l’offre d’objets connectés ne semble pas soulever de questions. Ainsi qu’indiqué plus haut, les grandes enseignes ont fait de gros efforts de distribution tant physique qu’en ligne. Toutefois, il faut reconnaître que l’offre est multiple et donc, complexe. Si l’on reprend l’exemple du site Boulanger, chaque catégorie peut représenter plusieurs dizaines, voire centaines de produits, ainsi pour les caméras de surveillance connectées, pas moins de 361 références ! Plus raisonnable, la catégorie « drone caméra », n’aligne qu’une vingtaine de références, allant de soixante à plusieurs milliers d’euros en prix. On comprend dès lors la nécessité de fournir un guide d‘achat et, surtout en magasin d’avoir des vendeurs extrêmement bien formés. La peur du consommateur devant une technologie qu’il ne maitrise pas ressort clairement de la dernière étude.

La communication ?

Il est, là aussi indéniable que tant les fournisseurs que les distributeurs ont communiqué et continuent à le faire. Cela est passé par le merchandising (déjà évoqué), la publicité sous toutes ses formes (spots TV, presse), les médias sociaux, les influenceurs etc. Toutefois, reconnaissons que sous ce large vocable d’objets connectés se cachent bien des produits avec des usages différents, mais une caractéristique commune : ils participent à l’internet des objets et supposent une intégration dans une chaine technologique. À ce titre j’oserais la comparaison avec le vénérable marché de la hi-fi. Vendre une chaine hi-fi de qualité supposait tant de la part du vendeur que de l’acheteur une bonne compréhension de l’usage désiré et donc conditionnait les choix techniques.

 

Le Consommateur doit-il être au centre de la démarche Marketing ?

 

Le consommateur, doit revenir au cœur de notre analyse.

En 2015, lors d’une de ses premières études sur ce marché, l’IFOP partageait certains résultats assez surprenants.

On apprenait ainsi que les consommateurs ignoraient précisément où se trouvaient les données collectées et qui les possédait. 41% ignoraient carrément où elles résidaient ou ne s’étaient pas posé la question et seules 25% estimaient qu’elles étaient la propriété de l’utilisateur. Bien évidemment ces ignorances se traduisaient en parallèle par une peur face au manque de protection de celles-ci ou à une possible utilisation illicite. Trois années après, compte tenu de l’évolution des débats et de la mise en place de la RGPD, le sujet reste d’actualité mais les législateurs ont mis en place un cadre législatif censé rassurer le consommateur. La sensibilité reste vive et tant les fabricants que les distributeurs doivent élaborer de véritables stratégies de communication avant et après l’acte d’achat à ce sujet.

Par ailleurs, en 2015, 57% des français interrogés affirmaient savoir exactement ce qu’étaient les objets connectés, mais leur accordaient peu de valeur ajoutée. Aujourd’hui, ce sont 72% qui considèrent qu’ils peuvent être utiles et nous faciliter la vie. Il y a donc semble-t-il une vraie perception d’une valeur d’usage, sur laquelle un plan marketing pourrait s’appuyer. On en revient cependant à cette perception négative liée à la complexité de la mise en œuvre des produits.

La déception des fabricants et distributeurs face à la performance des objets connectés dans le marché grand public ne devrait pourtant pas être une surprise. Son évolution suit finalement l’habituelle courbe d’adoption des technologies. Ainsi l’informatique personnelle, après un démarrage dans le secteur très niche des « hobbyistes » à la fin des années 70 a trouvé son succès dans le milieu professionnel. C’est à partir de sa diffusion massive dans les entreprises que les consommateurs désormais bien éduqués à son usage l’ont alors massivement adoptée à partir des années 90. Il en a été de même pour la téléphonie intelligente, passée de l’ère du Blackberry (professionnel) à celle de l’iPhone (personnel). La durée d’adoption entre la phase professionnelle et celle du grand public s’étaient cependant réduites car s’appuyant sur une culture technologique de plus en plus poussée chez les consommateurs.

 

Le marché Grand Public doit-il être la Priorité pour les Objets Connectés ?

 

Comme indiqué dans les différentes études, la valeur d’usage attendue est largement dépassée par la pénibilité de la mise en œuvre initiale et l’usage au quotidien.

Les praticiens du marketing doivent garder à l’esprit l’excellente étude récurrente du cabinet Gartner sur les tendances en matière de technologie émergentes.

La domotique est dans la phase des « espérances surévaluées », la réalité augmentée dans celle de la désillusion, alors la réalité virtuelle entame, à peine, celle de la « mise en lumières ».

On peut débattre la durée de chacune de ces phases, la pertinence du positionnement des technologies sur cette courbe, elle n’en reste pas moins pertinente pour les professionnels du marketing et de la distribution.

Toutefois, il n’y a pas forcément à désespérer pour le marché de l’internet des objets. Gartner, encore, estime qu’actuellement plus de la moitié du marché total en valeur provient de l’usage professionnel.

En effet, au quotidien, force est de constater que les « objets connectés » de tous types se répandent dans les entreprises et y améliorent la productivité et le confort de travail. Leur véritable démocratisation reste à venir, mais elle passe par cette phase professionnelle.

 

Quelle conclusion pratique en tirer pour le marketing de ce marché en direction du grand public ?

 

D’abord, il est clair que les objets connectés ne seront, cette année encore pas l’impressionnant relais de croissance qui a été espéré et attendu. Il est donc urgent d’attendre, mais pas forcément rester inactif.

Le succès passera à terme, comme toujours par une bonne compréhension du client et de ses attentes. Il faut continuer les efforts pédagogiques, simplifier l’offre pour en focaliser la demande, travailler sur l’avant-vente et l’après-vente.

Il faut travailler sur un parcours client qui simplifie la vie du consommateur et cibler les différentes objections qu’il pourrait avoir.

L’utilisateur et non la technologie doit être au cœur de cette démarche.

Il n’y a là rien de bien nouveau, mais après tout le commerce d’épicier et ses principes remonte à la nuit des temps.

(Retrouvez l’article original sur LinkedIn)

 


 

 

Yves MARTIN – Directeur Marketing de Transition

 

Homme d’action et de résultats, j’ai la passion de l’expérience client. Avec trente années passées chez des acteurs majeurs de la haute technologie B to C et B to B, je suis rompu aux transformations rapides dans des environnements multiculturels, à forte croissance.

 

 

 

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